Des « femmes courage » en première ligne au Moyen-Orient
Elles ne veulent pas laisser les hommes occuper seuls la première ligne de la contestation des dictatures au Moyen-Orient et font entendre leur voix.
Son foulard coloré est de tous les défilés. Si ces dernières semaines c’est aux côtés des étudiants en colère qu’on l’aperçoit le plus souvent, par le passé, il a accompagné bien d’autres combats. Depuis 2007, chaque mardi sur la place de la Liberté de Sanaa, le « hidjab militant » de Tawakol s’affiche au côté de journalistes, citoyens ou intellectuels rassemblés pour défendre la liberté d’expression. Un rendez-vous organisé par la jeune femme elle-même, à travers son association Femmes journalistes sans chaînes.
La militante s’attache également à protéger les citoyens bafoués et les familles de détenus ; ainsi le vent de contestation qui souffle sur le Yémen depuis plus d’un mois lui apparaît-il comme une aubaine. « C’est enfin l’occasion d’élever notre combat au nouveau national et de rétablir la justice dans notre pays ; c’est notre moment, on ne doit pas le rater », confie-t-elle.
Tawakol a pressenti l’arrivée d’une tempête sur la Péninsule arabique. Le 29 janvier dernier, accompagnée d’une cinquantaine de personnes demandant la chute du régime, elle avait tenté de se rendre vers l’ambassade égyptienne, avant d’être attaquée par des partisans du régime. « Elle essaye de déstabiliser le pays », scandait alors un pro-gouvernement, sa jambya, poignard traditionnel yéménite, fièrement ceinturée autour de la taille.
Mais la jeune femme n’est pas du genre à se laisser intimider. Une heure après cet incident, d’une voix convaincue, elle déclarait : « Je continuerai même s’ils veulent me tuer. Si c’est le prix à payer pour offrir au Yémen un meilleur futur, je suis prête. S’ils essayent à nouveau de me blesser avec leur couteau, je descendrai à Taez. »
Taez est sa ville de naissance. Tawakol a grandi dans cette cité, foyer intellectuel du Yémen, avec ses neuf frères et sœurs. Elle y a étudié la gestion à l’université. Après une brève carrière de journaliste, elle devient membre d’Islah, le principal parti d’opposition. L’arrivée d’une femme sur la scène politique yéménite, jusqu’alors uniquement masculine, fait date.
Aujourd’hui, un mois après l’attaque la visant, une brève détention et plusieurs nouvelles tentatives d’intimidation, perchée sur un podium installé devant l’université de Sanaa, devenu le point de ralliement des manifestants, Tawakol sourit. Telle une artiste qui reçoit les ovations, l’œil ébloui, elle regarde la dizaine de milliers de protestataires venus demander le départ de leur président. Et lance un clin d’œil bref et complice, avant de se retourner vers son public.
Charlotte Velut (à Sanaa)
Ce diaporama nécessite JavaScript.
Retrouver cet article sur le site de La Croix